Ce blog est un SOS pour l'ancien ciné de Langoiran en Gironde, bijou architectural art déco classé à l'inventaire des Monuments historiques. Abandonné depuis 30 ans, le Splendid prend l'eau et menace de s'effondrer. Donnons-lui une chance de revivre !

Bienvenue !

"La dignité d'une communauté humaine peut se mesurer à l'attention qu'elle accorde à ses espaces publics". Ce mot de l'écrivain bordelais Michel Suffran, cité par le quotidien "Sud-Ouest" du 20 février 2007, fait référence, en contrepoint, au triste état dans lequel se trouve la Bourse du Travail à Bordeaux. Mais il pourrait très bien s'appliquer au cinéma Splendid de Langoiran, bel édifice art déco aux allures de temple païen, lui aussi délaissé.

Avec ce blog, avec l'élan et les initiatives qu'il va, je l'espère, susciter, je vous propose de retrouver un peu de cette dignité en faisant renaître un lieu culturel public. Le défi est grand car la tentation de ne rien faire, le fatalisme sont tout aussi grands.


Est-ce utopique de vouloir un lieu pour partager et échanger nos idées et nos cultures sous prétexte que la communauté humaine en question est située en milieu rural ? Est-ce utopique de vouloir préserver un patrimoine, une architecture, témoignant de la richesse du XXe siècle en un temps qui ne jure que par le médiéval ?

Si vous répondez deux fois "non" aux interrogations précédentes, que se passe-t-il ensuite ? De multiples contributions au projet de renaissance du Splendid sur ce blog. De multiples contributions dans la "vraie" vie aussi, où il faudra retrousser ses manches, donner de son temps et, peut-être un peu de son argent pour que nous profitions, tous, d'un patrimoine vivant !






samedi 13 janvier 2007

La dernière née: l'association

Splendid asso est née en octobre 2003, après la journée portes ouvertes organisée au Splendid.
Son objet est la sauvegarde, la réhabilitation, l'animation et la valorisation du cinéma Splendid de Langoiran et de son patrimoine. L'association a pris la suite d'un collectif d'habitants et de représentants associatifs des villages de Langoiran et du Tourne, créé deux ans plus tôt autour d'un principe d'action simple: "Sauver et réutiliser le Splendid".
Nous sommes passionnément attachés à ce patrimoine et à la défense d'une vie culturelle de proximité en milieu rural et ouvert à toutes les bonnes volontés qui se reconnaissent dans ces mots d'ordre.

L'association oeuvre sur deux fronts:
- celui de la sensibilisation et de l'animation culturelle, en organisant chaque année au printemps une manifestation en extérieur dans le patio non couvert attenant au cinéma. En 2004, ce fut la projection d'un documentaire sur le cinéaste girondin Emile Couzinet, dont les films populaires ont fait les belles heures du Splendid après-guerre. En 2005 et 2006, l'association a proposé un mini-festival du film d'amateur et de famille, afin de valoriser le patrimoine audiovisuel des amateurs et leurs créations, en hommage aux deux cinéphiles à l'origine du Splendid. L'an dernier, une quinzaine de films courts ont été présentés dans différents formats: numérique, 8 mm, 9,5 mm.

- celui de la réhabilitation de l'édifice ensuite. Depuis 2002-2003, nous travaillons, avec la mairie, à définir un projet culturel pour faire renaître le Splendid de ses cendres, convaincus que pour être soutenue par les pouvoirs publics, la réhabilitation de ce cinéma doit intégrer un projet d'utilité sociale et culturelle pour nos villages. En juillet 2004, l'association a proposé de faire de l'ancien cinéma une salle de spectacles, accueillant expositions, cafés-philo, littéraires... dans le hall de gala et des représentations de théâtre, danse, musique dans la salle (moyennant une adaptation scénique) ainsi que des projections de films mais en privilégiant des films culte du patrimoine du cinéma de façon à ne pas concurrencer les salles proches.
Nous avons également, avec l'aide du service départemental d'architecture, évalué le coût de la réhabilitation de cet ensemble architectural de 450 m² entre 344 000 et 411 000 euros.

L'urgence va toutefois à la mise hors d'eau du site, évaluée à plus de 16 000 euros (travaux de toiture et de zinguerie). C'est le combat de 2007 !

L'ancêtre: le cinéma des familles

Construit pendant la deuxième guerre mondiale, le Splendid de Langoiran doit tout ou presque à un personnage hors du commun : l'abbé Maxime Lafon. Un curé surprenant, mélomane, cinéphile, passionné de mécanique, qui a introduit le virus du grand écran dans le village, bien avant la construction du Splendid.

Dès son arrivée dans sa nouvelle paroisse en 1919, le jeune abbé improvise au n°52 de l'avenue Michel Picon, sous le préau d'une ancienne maison religieuse, une salle de projection, qui prendra le nom de Cinéma des familles. Tout débute par quelques bancs, un grand drap tendu en guise d'écran et un appareil de projection que l'on actionne à la manivelle. Ce premier cinéma, qui deviendra parlant en 1932, a fonctionné avec l'aide des propriétaires des lieux, la famille Dartiailh, qui tenait là un garage, le garage Saint-Christophe. Dans les années 1930, c'est la seule "salle" entre Bordeaux et Langon. Mais succès oblige, elle devient vite trop petite. Et sa réquisition pendant la guerre par les troupes allemandes, pour leur usage personnel, pousse l'abbé et Georges Dartiailh, à imaginer un autre projet. En 1942, les deux cinéphiles décident d'acquérir des chais (propriété de M. Trayrand), quelques pâtés de maison plus loin, et sollicitent André Lamire, architecte à Bordeaux, pour les transformer en vrai cinéma. Georges Dartiailh sera le propriétaire officiel des lieux; l'abbé Lafon en sera l'âme.

De quoi on parle ?
















"Quai des Orfèvres", un monument du 7e art, signe l'acte de naissance d'un autre monument, le Splendid. Le cinéma de Langoiran, un petit village des bords de Garonne, ouvre ses portes le 20 février 1948 avec la projection du chef d'œuvre d'Henri Georges Clouzot.
Et c'est parti pour 26 ans de grand écran, grâce à la volonté d'un tandem de cinéphiles inédit: le curé du village, l'abbé Maxime Lafon et le garagiste Georges Dartiailh, qui décident de transformer des chais abandonnés de l'avenue Michel Picon en salle obscure. Les travaux ont lieu de 1942 à 1944, sous la houlette de l'architecte bordelais André Lamire, qui réalisera une œuvre ambitieuse. Un temple "hollywoodien" (*), avec sa façade Art déco, son entrée aux angles coupés par la courbe de deux guichets, sa salle de projection riche de 450 fauteuils et d'un écran de 12 m de long, et, enfin, son magnifique hall de gala ou "salle-promenoir", qui accueillera, après guerre, de grands bals populaires: les bals des corsets ou bals du Furet, donnés chaque année en l'honneur des ouvrières de l'usine de corsets du Tourne. Mais les années passant, les pas des fidèles –danseurs et spectateurs- se feront moins nombreux. 1974, avec l'arrêt de l'exploitation cinématographique, marquera la fin de cet âge d'or.

En 1990, la mairie de Langoiran rachète la salle à son propriétaire G. Dartiailh mais à part quelques bals, expositions ou kermesses dans le hall de gala, le Splendid vivote, et aucun grand chantier de restauration n'est engagé. En 1996 puis 1997, le couperet de la commission de sécurité de la préfecture tombe: la salle n'est plus aux normes et doit fermer.

Après trente ans de déshérence, le Splendid a subi les outrages du temps et plusieurs voies d'eau se sont déclarées mettant en péril la survie de l'édifice. Un collectif d'habitants se constitue en juin 2001 pour sa préservation et sa réhabilitation. Il se transforme en association (Splendid asso) après avoir organisé une journée portes ouvertes au Splendid en mai 2003 pour sensibiliser les élus et la population. Trois cents personnes ont fait le déplacement, témoignant ainsi de leur désir de voir revivre ce lieu magique [voir photo].

Mais le "happy end" se fait attendre. Certes, aujourd'hui, le patrimoine architectural que constitue le Splendid a été reconnu puisque l'édifice est inscrit en totalité (y compris ses murs de clôture) à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis le 8 octobre 2002. Il constitue en effet, au niveau régional, un exemplaire rare de cinéma des années 1940, encore quasiment dans son état d'origine. En dépit de cette protection historique, pas l'ombre d'un chantier ne se profile pour l'heure au Splendid. Parce que comme toujours manque le principal nerf de la guerre de nos sociétés hypermarchandes: l'argent !

On en reparlera bientôt

(*) Pour une description complète des lieux, voir l'article de Philippe Araguas et de Jean-Marie Bertineau dans le n°44 de la revue Le Festin.